Brindas avant l’An Mil

par Paul Pelcé, Master 2 Histoire et archéologie médiévales

Ce nouvel article fait suite à celui sur les origines de Brindas paru page 19 de Brindas News n° 81 de Juin 2019.

Quelle est l’image de Brindas avant l’An Mil ?

Du Ve siècle au Xe siècle, époque mérovingienne puis carolingienne, il n’y a pas encore de vrais villages – ni même de hameaux – comme nous l’entendons aujourd’hui ; le paysage est composé de fermes isolées qui sont situées tous les 0,5-1 km ou plus selon la fertilité des sols.

La construction des bâtiments est faite de matériaux périssables : poteaux de bois, murs en terre (pisé, torchis), toiture en végétal. Pendant toute cette période, les bâtiments sont construits, soit directement sur le sol, soit sur des sablières basses [1] en bois.

Les vestiges pour les archéologues sont presque inexistants : trous de poteaux visibles quand ils sont creusés dans le rocher, plus difficilement perceptibles quand ils sont creusés dans la terre ; présence de mobilier (objets en céramique, en fer…) et os d’animaux. Tout cela enfoui sous des hauteurs de terre.

Un habitat ne dure généralement qu’une génération et il est reconstruit le plus souvent à côté de l’ancien.

Et la situation à Brindas ?

On peut seulement supposer que des habitats se trouvaient là où il y a des hameaux aujourd’hui : Brindas centre, Le Gourd, Cheray, Chalinel, Grossand, Broussatière, Quinsonnières, Milon, Bouleau, Piberat, Pelly… 

Et encore, aucune certitude ! A partir du Xe siècle, à la suite d’une reprise démographique, l’ensemble des terres, mêmes les plus ingrates, sont alors progressivement défrichées pour être cultivées ; un exemple possible à Brindas : le chemin des Essarts, dont le nom provient sans doute de l’essartage [2].

Avant l’An Mil, il n’y a donc que quelques fermes éparses, des feux regroupant toute une famille élargie. Certains habitants sont des hommes libres, qui peuvent être des nobles, avec des serfs en situation de dépendance, d’autres des manants (anciens esclaves installés qui versent un cens [3] à leur seigneur).

Il y a cependant suffisamment d’habitants pour qu’une église soit présente à Brindas.

Des études historiques, complétées par des recherches archéologiques, permettent d’affirmer la présence d’une église paroissiale à la fin du Xe siècle et sans doute même avant.

Un manuscrit, Le dénombrement des possessions de l’Eglise de Lyon, daté de 984, recopié entre 1173 et 1175, laisse supposer son existence avant l’An Mil ; il nous apprend que l’église est paroissiale (et non une chapelle), que le saint patron est saint Romain, (saint Blaise aujourd’hui) et qu’il y a des bâtiments et lopins de terre pour faire vivre le curé et sa famille [4].

Un plan, réalisé lors de la construction de l’église que l’on voit aujourd’hui, nous donne des informations sur la première église normalement orientée (ouest-est).

Elle est alors constituée par un chœur à chevet plat à l’est, une nef peu profonde et une entrée à l’ouest en forme de tour-porche. La base du clocher actuel est le chœur de l’église primitive (voir fig.1)

Fig. 1 – Plan de l’église au milieu de XIXe siècle ; on devine l’église primitive ouest-est ; 1 : base du clocher, 2 : ouverture au sud, 3 : tour porche aux murs épais

Les fouilles archéologiques ont mis au jour un cimetière à l’est du chœur ; des analyses au carbone 14 des os retrouvés donnent une plage de datation entre  990 – 1154 ap. J.-C. Les vestiges découverts étant à 20 mètres du chœur de l’église, on peut affirmer que les premières sépultures au pied du chœur sont antérieures à ces dates.

Une autre découverte est un morceau de poutre resté coincé dans son logement au premier étage du clocher ; sa datation par carbone 14 [5] donne une coupe de l’arbre entre 767 et 895 ap. J.-C ;  il a cent cernes ce qui donne une « naissance » de l’arbre entre 667 et 795. Il a vécu à l’époque carolingienne et sans doute même mérovingienne !

Comme cette poutre se trouvait dans une phase de construction au-dessus du chœur, il s’agit sans doute d’un remploi, et on ne peut exclure qu’il ait appartenu à la toiture du premier édifice.

Ce morceau de bois vénérable est le plus vieux vestige d’un organe vivant à Brindas ; il est exposé dans la vitrine d’objets liturgiques de l’église de Brindas.

Fig. 2 – Morceau de poutre retrouvé dans le clocher et dont l’arbre est « né » entre 667 et 795
Fig. 3 – Avant l’An Mil on trouve au centre de Brindas une église avec son cimetière à l’est entouré d’un mur et quelques bâtiments pour le curé. Subsistent aujourd’hui la base du clocher et le cimetière enfoui dans le sol [6] 

À suivre…

Annexe : sources

[1] Longue pièce porteuse en bois dans laquelle est assemblé  le pied des poteaux

[2] Essartage : une forme de débroussaillage

[3] Prélèvements

[4] Les curés de paroisses rurales peuvent être mariés à cette époque

[5] Donne la date de la coupe de l’arbre

[6] Dessin 3 D réalisé par Denis Rionnet (Brindas)