Surnoms et sobriquets

par Gaston Bensan (1982)

Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1982 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.

Brindas était au XVIIe et XVIIIe siècles une région à forte concentration d’homonymes. Les raisons en sont évidentes :

  • Population limitée et donc nombre de patronymes réduit.
  • Mariages se réalisant dans un secteur étroit, la paroisse et pàrfois le conjoint venant des paroisses les plus proches.

En règle générale, les mêmes prénoms se transmettaient de génération en génération.

Les aînés des enfants : garçon ou fille avaient les mêmes prénoms que le grand-père ou la grand-mère paternels, les seconds que les grands parents maternels et les suivants ceux des parrains et marraines choisis dans la parenté la plus proche.

Il n’était pas rare que l’ainé des garçons se prénomme comme son père et que des frères et sœurs aient un prénom identique.

Dans ces conditions, ajouter au nom de quelqu’un un mot qui le distingue de son homonyme était une nécessité. Les registres paroissiaux et aussi bien les actes notariés ajoutent au nom des précisions du genre l’ainé, le cadet, le fils, le jeune.

Un autre mode de simplification se remarque avec la pratique du double prénom différenciant frères et sœurs. Dans la même famille, on trouve par exemple :

  • Jean et Jean-François
  • Pierre et Pierre Marie
  • Pierrette et Pierrette Etiennette

Parfois on ajoutait au nom du mari celui de la femme pour signaler une branche distincte de la souche familiale. Quelques exemples notés :

  • Benoit dit Blaize
  • Benoit de la Place
  • Chazottier – Girin
  • Chazottier le Manchot
  • Fuchier Pierre dit Pierrouquay.

On trouve dans des documents officiels et dans certains cas la mention de psudonymes qui se rapportent au métier ou à l’habitation, rarement le sobriquet. Le sobriquet, attribué en raison de l’aspect de la personne, d’un trait de caractère, des qualités physiques ou morales était à Brindas d’un usage courant. Seule la transmission orale a permis d’en retrouver quelques uns.

La tradition s’est maintenue presque jusqu’à nos jours. On peut même observer chez certains brindasiens un art consommé dans l’attribution des sobriquets, voire un penchant d’humoriste.

Certains de nos anciens reconnaîtront les personnages désignés par la liste ci-dessous importante mais qui est loin d’être définitive :

  • La Biguenette
  • Blanche de Castille
  • le Borrod
  • le Bourrain
  • Cul de casse (cudecasse)
  • Cul rond (curon)
  • Caméléon
  • Cogna
  • Corcoro
  • La mère Cosaque
  • l’enfant gras
  • Moro
  • Ricanet
  • Riche en gueule
  • Ravisset
  • le Sifflet
  • le Tigre

Pourrons-nous recueillir, un jour, le sens ou les raisons de ces désignations ? Nous n’avons pu le faire que pour les suivants :

Les sobriquets qui se rapportent à la profession

  • Torche-miche
  • l’Enfariné

désignaient naturellement le boulanger et Jean Magnien, le ferblantier.

Parmi ceux qui se rapportent aux traits de la personne, nous avons relevé :

Bambane

Selon le Littré de la Grand Cote, on désignait ainsi un musard, un flaneur et par extension le bamban, le boiteux, parce que lorsqu’on se bambane on marche en se balançant. Effectivement, notre brindasien tirait sur une jambe.

Youp Youp

Ce personnage menant son cheval et tirant sur les guides ne cessait de dire « youp ! youp ! ».

Carape

Il était avare, âpre au gain.

La Mameluk ou Vendredi Saint

pour une personne très maigre aux os saillants, il est vrai qu’elle n’était pas épaisse.

Pied fin

Épicier, l’homme était grand mais avait des pieds très petits. Il chaussait donc de petites pointures qui lui faisaient le pied fin.

Kiki

Chef de la clique, aimant la table, participait à tous les banquets et particulièrement celui des pompiers. Il s’attardait à table et après le repas copieux, il glissait lentement sous la table jusqu’au menton.

la Gazette

À la fois, vendeur de journaux et coiffeur. Intarissable, il débitait à ses clients un mélange de nouvelles et d’histoires inventées.

la mère Tric-Tric

Cabaretière aimable et diligente, sautillait en marchant, allait de table en table et du comptoir aux tables à petits pas rapides. Elle ne marchait pas, elle « tricotait ».

Deibler

ainsi surnommé du jour où il fut surpris à trancher sur le billot les têtes de chouettes qu’il venait de dénicher. Sorti de l’école de redressement, tête dure, mais brave type et gentil. Chasseur de serpent Dénicheur sans pareil. Champion de toutes les pêches et chasses interdites. C’était un véritable écumeur de l’Yzeron.

Combinus

Sa particularité était de dire à tout propos « laissez-moi combiner » pour « laissez moi réfléchir ». Comme il était sonneur de cloche, il a été fait appel au latin de Brindas.

Mireille

prenait la cuite de temps en temps, et pendant toute la fête, chantait « Mireille mes amours ».

le Poulet

le père, très matinal, il passait devant les fenêtres de ses-voisins encore endormis et poussait le cri du coq. le fils, ouvrier meunier au Moulin des Aiguillons. Une force-de la nature. Il livrait sur ses épaules les sacs de farine de 125 kilos, depuis le Pont Jaquemet jusqu’au village. Sur tout le parcours, il ne faisait qu’une seule pause, près du cimetière, prenait une cigarette et repartait jusqu’à destination chez Torchemiche.

Mélo

Célibataire, il vivait avec sa sœur Amélie, d’où la Mélie Mélo. Grand fantaisiste. Ancien du bataillon de Joinville, il traversait Brindas debout sur sa charrette, guides lâchés, à la manière de Ben Hur. Tondait sa haie sur son cheval ou assis dans sa charrette. Vendangeait au mois de décembre lorsqu’il le faisait. Élevait un troupeau mais ne vendait aucune bête, ne tondait jamais ses moutons. À un voisin se plaignant de voir ses raisins mangés par les bêtes de Mélo, celui-ci planta une raie de vigne le long de son champ et expliqua « comme cela, mes moutons piqueront mes raisins avant les tiens ».