L’histoire d’un pont et d’un chemin oubliés

par Paul Pelcé, Master 1 et 2 Histoire et Archéologie médiévales

  1. La situation du pont oublié
  2. Les sources iconographiques
  3. Description du pont
  4. Conclusion
  5. Hypothèses
  6. Annexe : sources

À l’est de la commune de Brindas, le petit ruisseau le Chêne, généralement sec en été, sert de limite avec la commune de Francheville.

Il est alimenté par plusieurs bras sur la commune de Chaponost, dont le plus long prend sa source dans le fossé d’une « plate-forme » médiévale ou moderne, secteur du Milon.

Un autre ruisseau, le Bouleau, le rejoint avant de se jeter dans la rivière Yzeron.

La situation du pont oublié

Fig. 1 – Plan général dessiné à partir du cadastre napoléonien de 1824

En bas du chemin Les deux ruisseaux (CDR), en s’avançant dans le pré entre le ruisseau Chêne et le Chemin de la source (CS), on découvre à quelque cent-cinquante mètres le vestige d’un pont abandonné en pierre (Fig. 2).

Fig. 2 – Vue du pont côté ouest

Ce pont débouche sur le Chemin oublié qui monte en suivant le ruisseau Chêne sur cent mètres pour aboutir dans une terre labourée en surplomb du val du Chêne (Fig. 3).

La trace de l’ancien chemin disparaît (Fig. 2).

Fig. 3 – Chemin oublié ; on remarque que la terre qui a servi à réaliser le chemin a été utilisée pour former une butte de protection côté ravin.

Nous sommes sur le territoire des Hotteaux, ancien domaine d’un seigneur qui fait construire sa maison-forte en 1267.

Côté Francheville, il n’y a aucune trace de chemin ; naturellement humide, on ne peut exclure que des débordements du Chêne aient comblé le chemin, à moins que cela soit le fait de labours. Il y a une vingtaine d’années, une crue du Chêne avait envahi ce pré laissant des traces de sable et modifié le tracé de son lit avant de rejoindre le Bouleau. De ce coté, on trouve des terrains aujourd’hui boisés, qui semblent peu propices à une exploitation, prairie, ou terre agricole.

On remarque une petite carrière de pierres (voir Fig. 2) qui a pu servir à la construction du pont oublié.

Les sources iconographiques

Le cadastre napoléonien de 1824 (Fig. 1) n’indique aucun chemin partant du pont vers Brindas ou vers Francheville ; soit le chemin n’existe pas encore, soit il est plus ancien et déjà oublié, soit il est sur un domaine privé.

A noter que le chemin des deux ruisseaux (CDR) fait un curieux angle droit avant de descendre vers le Chêne, et le chemin privé (CP) qui rejoint le centre de Brindas, présente une fourche dont une branche qui semble indiquer un chemin vers le pont oublié.

Description du pont

Fig. 4Fig. 5

Il est constitué de deux arches accolées, l’une de 3,50m de large (n°1), l’autre de 0,80m (n°2).

Chaque voûte repose sur des piédroits (culées) distants l’une de l’autre de 1,80m.

On constate une disparition importante de 0,40m des piédroits de l’arche n° 1 (Fig. 4) ; est-ce un indice sur l’ancienneté qui semble indiquer qu’elle est plus ancienne que l’arche n°2 ?

Fig. 4 – La base de la voûte de l’arche n° 1 est arrachée sur 0,40m.

Les pierres de l’arche n°1 ont été maçonnées.

Le tablier est en terre, retenue de part et d’autre par un muret de 0,40m. Deux effondrements de terre rendent dangereux la traversée du pont.

Le tablier en forme de S monte de Francheville à Brindas avec une pente de 10% environ.

Le tracé du chemin disparait une fois qu’il arrive sur le plateau du domaine des Hotteaux.

Fig. 5 – Dessin du pont oublié, qui montre qu’il a été bâti en deux parties

Conclusion

L’état général du pont, sa construction en deux temps, la disparition importante de la base des piédroits de l‘arche n°1, laisse supposer que sa construction est plus ancienne, sans que l’on puisse proposer la moindre date.

Les hypothèses

Soit le Pont oublié permettait aux paysans de la maison forte des Hotteaux d’accéder à des terres exploitées ou à des bois côté Francheville ; mais cette hypothèse (H2) n’est pas recevable avec la présence du chemin des deux ruisseaux, à moins que ce dernier soit postérieur au pont.

Soit il a été bâti après la Révolution de 1789 pour permettre aux exploitants agricoles côté Francheville d’accéder à leur terre sur le territoire des Hotteaux [1].

Soit ce pont est sur le tracé d’un ancien chemin disparu, partant de la route Antique de Fourvière à Saint-Symphorien-sur-Coise, aujourd’hui la RD 75, proche du pont de Chêne, pour se diriger vers le hameau de Craponne (H1). Les plans du cadastre montrent que ce chemin aboutissait à l’actuel chemin du Cimetière, qui mène directement au centre du vieux Craponne. Mais le Chemin de la Source (CS), à Francheville, qui longe le Chêne en partant de la RD75, vient contrarier cette hypothèse, à moins que ce pont soit antérieur au Chemin de la Source. 

La curiosité de l’angle droit du Chemin des deux Ruisseaux (CDR) peut s’expliquer par une construction en deux étapes ; dans un 1er temps le chemin droit partant de la ferme de la maison forte permettait d’aller aux champs (H4) ; puis dans un 2ème temps, on a prolongé le chemin pour rejoindre le chemin vers Craponne [2].

Annexe : sources

[1] Cette hypothèse est soutenue par M. Michel Poncet qui habite chemin des deux ruisseaux ; il a recueilli les témoignages de son grand-père qui travaillait au château des Hotteaux

[2] Hypothèse M. Michel Poncet