L’écolier pensionnaire du boulanger

par Gaston Bensan (1982)

Cette rubrique est une retranscription de l’ouvrage « Chronique Brindasienne », édité en 1982 par l’association du Vieux Brindas. Certaines des recherches proposées ici ont pu faire l’objet d’une mise-à-jour par des travaux plus récents. N’hésitez pas à compléter votre lecture par d’autres articles sur le site du Vieux Brindas.

Tout ce que nous savons de Joseph FLACHAT tient en peu de mots. Il habitait dans les années 1870-1880 le hameau du Gourd. Sa famille n’était pas. très grande à en juger par une consommation moyenne de 40 livres de pain les mois d’hiver et 60 livres l’été.

Et qu’il était résolu « à donner de l’instruction » à son fils Claudius.

Mais en 1876, la chose n’était pas si simple. Comment demander à de petites jambes de faire un trajet de 2 kilomètres et demi, quatre fois par jour par des chemins défoncés, mal entretenus et peu fréquentés. Natif de Lyon, Joseph Flachat avait bien une parenté à qui confier le petit pour le repas de midi, mais elle logeait au Chazottier.

Alors pour joindre la classe, qui se tenait dans l’actuelle salle du Conseil Municipal, du Chazottier ou du Gourd c’était du pareil au même.

En 1876, l’école était payante. Le temps de la laïque obligatoire et gratuite viendra plus tard, et beaucoup plus tard encore la cantine ou les rodéos de voitures amenant et recherchant les enfants. Joseph Flachat tient à ce que Claudius apprenne à lire et à écrire.

Depuis plusieurs années, il fréquente régulièrement la boulangerie de Jean-Marie Murat, et ce dernier le tirera d’embarras. Il prendra Claudius en pension trois années de suite, et le prix de pension restera inchangé : 1 fr. par jour.

La comptabilité de Jean-Marie Murat est précise. Nous avons toutes les indications sur la présence du pensionnaire et les suppléments de frais.

Du 26 Octobre 1876 au 11 Mai 1877 : Jean-Marie Murat note :

« 165 journées que Claudius est resté chez nous sans interruption : 165 fr. »

plus le détail des dépenses accessoires : 63,65 fr.

13 Août 1877 à Avril 1878,
240 jours soit 240 fr. plus 84,45
1 Octobre 1878 au 13 juin 1879
256 jours soit 256 fr. plus 56,40

Recopions le détail des dépens.es accessoires pour la période 1876-1877 :

Avoir acheté :
une paire de galoches : 1,90
une ceinture : 0,85
une casquette : 2,00
quatre cahiers d’écriture : 0,30
histoire sainte Boutier et Grammaire : 2,45
deux paires de pantalons : 25,00
une paire de bretelles et chaussures : 2,00
médicaments pris chez le pharmacien : 2,25
un catéchisme et un cahier d’écriture : 0,65
un gilet : 6,00
École pour le 4ème trimestre 1876 : 6,75
une blouse étoffe et façon : 3,50
huile de foie de morue : 4,00
deux coupes de cheveux : 0,50
clous en deux fois pour ses souliers : 0,50
pilules dehaut (?) dix : 1,00
une paire de galoches : 3,40
une cravate : 0,60

Pour les années suivantes, des dépenses de même nature apparaissent. Nous ne mentionnerons que les principales ou celles qui nous renseignent sur la variation des prix. L’école, comme on l’a vu est payante. L' »abonnement » d’un an pour 18 77-18 78 est de 16 francs, 20 francs pour 1878-1879.

Les cahiers d’écriture sont de différents modèles, 0,10 – 0,15 et 0,30

un livre intitulé Géographie : 0,50
un livre intitulé Dictionnaire : 3,00
le catéchisme : 0,25
l’histoire de France : 1,00
une paire de souliers : 9,00
raccomodage de souliers : 0,60
clous et lacets : 0,50
lacets 0,10 – clous pour souliers 0,15 : 0,25
une paire de galoches : 3,75
remontage de galoche 1,00 et un cent de clous 0,10 : 1,10
un chapeau : 7,50
un chapeau de paille : 2,50
une blouse : 1,25
une paire de bretelles : 0,80
une casquette : 2,00
une paire de pantalon : 17,00
deux chemises : 7,50
trois mouchoirs de poche : 2,25
un caleçon : 2,25
une paire de bas de laine : 1,70
coton pour deux blouses : 5,80
façon pour deux blouses : 2,00

La coupe de cheveux est restée au prix inchangé de 0,25.

L’hospitalité du boulanger était donc des plus accueillantes. Jean-Marie MURAT fournissait le vivre et le couvert, veillait à l’hygiène et l’entretien, pourvoyait au trousseau.

Cette bienveillance a ses retombées jusqu’à nous. Le livre de comptes du boulanger Murat apporte les informations sur les conditions de la scolarité d’autrefois et suscite bien des sujets de réflexion.

Admirons et rendons hommage à Joseph Flachat et à tous les anonymes qui comme lui, ont contribué, malgré les difficultés, à faire reculer l’ignorance.

P.S. : Pour établir une certaine comparaison et appréciation, rappelons que le prix du pain à l’époque était de 0,30 à 0,40 le kilogramme.